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Le coup d’État au Niger fait monter les enchères

Le 26 juillet, la Garde présidentielle du Niger a renversé le président démocratiquement élu, Mohamed Bazoum. Cela a marqué le sixième coup d’État successif dans la région du Sahel – une bande aride s’étendant du Sénégal au Soudan. L’importance des forces armées s’est renforcée au Niger en raison de la presence d’une insurrection islamiste, à l’instar de ses voisins sahéliens. Le putsch a suivi des schémas similaires à ceux observés au Mali et au Burkina Faso, qui sont sous un joug militaire depuis 2020 et 2022, respectivement.

La rébellion menant à la prise de contrôle du palais présidentiel a été dirigée par le général Abdourahmane Tchiani, chef de la Garde présidentielle, qui craignait apparemment d’être limogé par Bazoum. Malgré les déclarations publiques des putschistes affirmant que leurs actions visaient à remédier à la détérioration de la situation sécuritaire et à la mauvaise gouvernance, il apparait qu’ils ont agi pour protéger les intérêts du général Tchiani. Cependant, le général Tchiani, en poste depuis 2011, a réussi à mobiliser les autres conspirateurs du coup en exploitant le mécontentement préexistant au sein des forces de sécurité.

Indépendamment de leurs motivations, les putschistes ont agi à un moment où la situation sécuritaire s’améliorait progressivement, selon les données nationales. Une grande partie de cette amélioration a résulté de la coopération internationale avec des partenaires occidentaux – notamment la France et les États-Unis, partenaires qui ont suspendu leur aide au Niger à la suite du coup d’État. Le Niger accueille des bases militaires françaises et américaines, notamment une base de drones d’une valeur de 110 millions de dollars à Agadez, qui ont joué un rôle crucial dans la lutte contre l’insurrection islamiste au Sahel. L’importance stratégique du Niger a également augmenté avec l’augmentation de sentiments pro-russe dans la région.

Le putsch nigérien constitue le sixième coup d’État en Afrique de l’Ouest depuis 2020, et il représente un test clé pour le nouveau président nigérian, Bola Tinubu, président en exercice de la CEDEAO. Le 6 Juillet, lors de son investiture en tant que chef du bloc régional, Tinubu a proclamé que “Nous ne tolérerons pas les coups d’État en Afrique de l’Ouest”. Il a maintenu cette position ferme en réponse au coup d’État Nigérien, la CEDEAO ayant donné un ultimatum de sept jours aux leaders du coup pour qu’ils cèdent le pouvoir ou qu’ils fassent face à “toutes les mesures nécessaires pour rétablir l’ordre constitutionnel”. Le bloc régional a clairement indiqué qu’il était prêt à aller au-delà de ses outils traditionnels de suspension et de sanctions, en avertissant que “de telles mesures pourraient inclure l’usage de la force”.

Les déclarations belliqueuses de la CEDEAO reflètent l’importance stratégique croissante du Niger à la suite des changements politiques dans la région, les dirigeants des juntas maliennes et burkinabés s’alignant de plus en plus sur la Russie au cours des deux dernières années. Bien qu’il n’y ait aucune preuve que la Russie – ou des organisations mercenaires alignées telles que le Groupe Wagner – ait joué un rôle direct dans le coup d’État nigérien, la combinaison du mécontentement local et de l’opprobre international a créé un environnement idéal pour que le sentiment pro-russe prospère. Le gouvernement militaire du Niger n’est pas encore aligné sur la Russie, mais ce pourrait n’être qu’une question de temps avant que Tchiani et ses acolytes ne se tournent vers Moscou. 

La contagion des coups d’État régionaux a involontairement créé des camps. Les juntes au Burkina Faso et au Mali ont rejeté l’ultimatum de la CEDEAO et ont promis de défendre le Niger en cas d’intervention militaire de la CEDEAO. De son coté, le régime militaire en Guinée a refusé d’appliquer les sanctions économiques, voyant une opportunité pour le port de Conakry de servir de voie d’import-export cruciale pour le régime nigérien, tout comme il le fait pour le Mali et le Burkina Faso. Les trois juntes, actuellement suspendues des institutions de la CEDEAO, ont également laissé entendre un possible retrait complet du bloc régional.

En revanche, la CEDEAO – historiquement dominée par le Nigeria et de plus en plus axée sur Abuja sous la présidence de Tinubu – bénéficie du soutien de la France, de l’UE et des États-Unis. Le bloc régional a une expérience de l’intervention militaire, notamment en Sierra Leone et au Liberia dans les années 1990, et en Gambie en 2017. Cependant, une intervention au Niger serait la première du genre dans une nation francophone – ou dans un pays enclavé.

Le vaste territoire du Niger, déjà touché par des insurrections armées, représenterait un défi considérable pour une force militaire régionale. Au lieu de cela, la CEDEAO est plus susceptible de maintenir le blocus économique du Niger imposé le 30 juillet. Des sanctions internationales des États-Unis et de l’UE sont susceptibles de suivre, mais se limiteront probablement à la saisie des actifs des dirigeants de la junte, car des sanctions économiques plus sévères limiteraient la capacité du Niger à fournir de l’uranium aux acheteurs internationaux, notamment la France, qui génère 40% de son électricité à partir de centrales nucléaires.

Cela soulagera les juntes du Mali et du Burkina Faso, qui ne disposent pas de l’expertise technique des soldats nigérians et qui sont déjà à bout de souffle, luttant pour maîtriser l’insécurité à l’intérieur de leurs propres frontières.

Perspectives

Le coup d’État au Niger présente de multiples menaces pour le Nigeria, notamment une instabilité accrue liée à Boko Haram et à la Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique (PAOE), ainsi que des craintes de propagation d’insurrections militaire dans les États côtiers. La CEDEAO a ordonné la fermeture des frontières terrestres et de l’espace aérien entre ses États membres et le Niger. Cependant, le Niger partage ses frontières avec le Burkina Faso et le Mali, qui ont tous deux indiqué qu’ils n’appliqueraient pas de sanctions, ce qui signifie que les flux commerciaux vers l’ouest se poursuivront. De même, l’Algérie, la Libye et le Tchad ne sont pas membres de la CEDEAO et ne sont pas tenus de mettre en œuvre la directive, ce qui garantit que les frontières nord et est resteront également ouvertes. En outre, la porosité des frontières du Nigeria et du Bénin, même si elles sont officiellement fermées, compromettra l’efficacité du décret de la CEDEAO.

Entre-temps, le coup d’État du Niger et la réaction ferme de Tinubu ont mis en jeu la crédibilité de la CEDEAO tout en tournant en dérision ses objectifs d’intégration régionale à long terme. En présentant l’intervention militaire comme une option, le bloc a antagonisé le Niger et ses alliés au Sahel, compliquant les négociations avec les juntes et exacerbant les tensions régionales. Bien que le Tchad se soit porté volontaire pour servir de médiateur, le bloc régional aura du mal à nommer un intermédiaire à la fois respecté et accessible aux Juntes du Sahel.

Alors que la date butoir du dimanche 6 août approche, le bloc régional se positionne, le Comité des chefs d’état-major de la CEDEAO (CCDS) se réunissant à Abuja du 2 au 4 août pour discuter de la situation politique au Niger. La CEDEAO sait qu’elle ne peut pas prendre le risque d’aggraver l’instabilité dans la région et le président Tinubu devra trouver une alternative à l’intervention militaire si le bloc régional souhaite parvenir à une solution.

A propos de l’auteur

Iniye Spiff est consultante à Africa Practice. Elle conseille des clients dans le secteur du développement, en particulier dans les domaines de l’économie politique, de la santé et du genre en Afrique de l’Ouest anglophone et francophone. Elle peut être contactée à l’adresse [email protected].

Crédit photo: Kola Sulaimon/AFP via Getty Images

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